Nothing Ventured Nothing Gained
Au risque de passer pour un méchant élitiste aux yeux des fans en période pré-pubère, je préfère annoncer, je vais déverser ma bile. Parce qu'enfin je vais pouvoir donner mon avis sur ce groupe clermontois qui a su profiter à la fois de la tendance 70s actuelle ainsi que du statut d'un de ses membres pour percer dans le monde de la variété. Après avoir attendu que la fine équipe sorte son premier album et surtout qu'on en parle dans les médias, je prends donc finalement ma petite plume acérée destinée spécialement à ces sous-groupes type Naast qui polluent l'atmosphère culturelle. Ceux qui n'aiment pas les boulets rouges peuvent sortir (ça tire de partout et dans tous les sens, vous voilà prévenus). Explicit lyrics ! Le contenu de cette chronique peut choquer les plus jeunes lecteurs. Rock 'n roll.
Il
était une fois The Elderberries. Une bande de jeunes garçons
au passé légendaire décide de monter un groupe à
Clermont-Ferrand. Comme tout lycéen amateur de rock, nos
jeunes skaters ont une préférence marquée pour
Led Zeppelin, Pink Folyd et consorts, dont ils arborent souvent les
tee-shirts. Il manque alors au projet un batteur, trouvé
rapidement en la personne de Yann, petit ami de Morgane aka la fille
du duo Cocoon (folk), et accessoirement fils à maman, laquelle
s'occupe d'une boîte de production (qui produit Cocoon, ça
va de soi). Le hasard fait bien les choses puisqu'ils trouvent
immédiatement des premières dates intéressantes
après l'enregistrement et la production hâtive de leur
single (et quelques bons coups de piston bien placés). Ils
créent leur site web où tous les copains copines du
collège peuvent exercer leurs talents prosélytistes à
propos des jeunes prodiges, dont le pouvoir de sucrer toute critique
négative (ou même modérée) est employé
sans concession sur le livre d'or. Dès lors, tout va pour le
mieux, de bons échos dans le hall des lycées répandent
la nouvelle d'une première partie des Datsuns et même un
concert à l'Elysée Montmartre ! Wahou trop cool les
kids.
Jusque
là, peu de choses à reprocher : c'est vrai, même
s'ils se la pétaient un chouilla, cela demeurait assez fun
pour tout un chacun de relever les indices tendant à montrer
une bien joyeuse bande d'assistés. Enfin, tout le monde a le
droit de s'amuser un peu...
Seulement,
quand l'amateurisme ringard prend le pas sur la recherche et le
talent, et que l'entreprise devient lucrative, on peut lâcher
les loups et sortir quelques critiques mordantes. Car c'est la
semaine dernière que tout s'est accéléré
derechef : chroniqués chez Ruquier (arf!) comme étant
de la bonne musique rafraîchissante, voilà-t-y pas qu'on
les retrouve en B.O. du prochain film français pour ados,
Hellphone, bouse sans nom mêlant les ingrédients subtils
d'un American Pie à l'histoire originale d'un téléphone portable possédé par des forces étranges (Salomone est tombé bien
bas). Vous noterez la présence d'un making of sur youtube ou
encore le tee shirt du jeune héros skater sur le trailer.
Quel
joli coup marketing pour les Clermontois ! Mais alors donc, quelle
musique proposent-ils ?
Allons voir la page myspace. Cliquez sur stop avant de vous énerver. Qu'observe-t-on ?
On
nous parle d'ovni international multiculturel sur leur myspace (si,
si, ils ont osé ! partez pas tout de suite c'est un vrai
sketch). On nous parle d'influences rares : Stooges, Ramones, et
surtout AC/DC et Led Zeppelin. On nous parle d'un bûcheron
derrière les fûts (là ils nous sortent leur spécial !). On nous montre une pochette sauce
70s. On nous montre des types habillés à la mode beauf
des 70s. On nous montre des bouteilles de bière casées
dans le studio, des clips, des making of en veux-tu en voilà.
Bref, on nous vend un produit commercial présenté sur
un plateau argenté de dithyrambes effusives, et ce n'est pas
tout. On a le droit à un beau site en Flash avec tout plein
de trucs de promis pour frimer à la récré.
Inutile
de le préciser, voici réunis tous les ingrédients
de la daube commerciale, soupe innommable destinée aux jeunes
détenteurs de iPod, marketing colossal comparé à
leur somme de talent ; imaginez le dispositif qui se cache derrière, pour
qu'en quelques temps, ils passent d'une première partie
à la vente du single OST d'un film nazebroque. Les
thunes pour la réalisation de l'enregistrement, la pochette,
le merchandising, jusqu'au concours Elderberries. A croire que bientôt
on pourra coller des vignettes sur le frigo des
parents : cinq membres à collectionner plus un sticker
collector, le nom du groupe qui brille et tout le tralala. Trop tendance.
Car
il faut bien le comprendre, ce dont on ne parle pas, c'est
l'inexistence absolue d'originalité. L'absence de tout talent remarquable mais
un style dénué de rage, pas même d'implication,
juste de l'horrible image stéréotypée du rock qu'ont nos parents et certains conservateurs. Ce dont on ne nous parle pas, c'est le plagiat honteux du
groupe de Bon Scott, les riffs vieux de trente piges pour un groupe
qui se veut jeune, et surtout la portée de leur message qui
n'a d'autre effet que de redessiner les contours d'une caricature
scandaleuse du rock.
Comment
alors accepter une telle condescendence du milieu ? Ce n'est pas en
parachutant une phrase (« Ces
cinq gamins cherchent d'abord à s'amuser et à jouer »)
comme une goutte d'huile dans un torrent d'éloges que l'on
peut crédibiliser une telle approche marketing ! Pourtant,
force est de constater que le groupe est un véritable moteur à
piston. Album du mois sur Rock Mag, critique quasi-arbitraire sur les
Inrocks, j'en passe et des meilleures. On propulse les premiers venus en
tête des charts dans une hypocrisie sans nom. C'est exactement
la même chose que d'être chroniqueur radio et aimer les
Kissinmas parce qu'on a la chance de connaître le claviériste.
C'est bidon, chiqué, et ça va pas leur empêcher
de s'engraisser. Nothing Ventured, but Something Gained.
Futile,
caricatural et niais : c'est sûr avec cet album, les
Elderberries font pas les choses à moitié.
Note générale : 05/20
*** Si vous aimez, essayez... ***
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