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Chroniques en Vrac
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  • Pour partager mes préférences musicales sous forme de chroniques semi-hebdomadaires, de coups de coeur en coups de gueule ; un intérêt certes limité, mais qui pourrait peut-être se révéler utile, à vous comme à moi.
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Chroniques en Vrac
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9 mars 2007

Boredoms – Super æ

superareEn ce moment, il m'est impossible de contenir l'exaltation musicale dans laquelle je baigne sur un fond de fausse sérénité, cet état de pseudo-euphorie notoire m'évitant de trop penser à mes funestes obligations. D'où la cascade de bonnes notes, et surtout l'envie de parler de mes albums favoris, ceux dont je ne peux m'empêcher de citer le nom dès qu'on me laisse l'occasion de le placer. Demandez-moi ce que j'aime comme musique une première fois, je donne Neil Young et Frank Zappa. Demandez-le une seconde fois et vous en aurez pour trois quart d'heure de listing argumenté, avec en tête de file le magmatique groupe de Yamatsuka Eye, je parle bien sûr des Boredoms. Logique alors qu'il me vienne à l'esprit leur galette la plus au point, le super-album Super æ.

A première vue, voilà encore de quoi conforter les anti-expérimentaux les plus récalcitrants, un autre atout imparable pour les derniers bastions retranchés de la mélomanie old fashionned. Là où les vieux papas s'arrêteraient en parlant d'immondices méphitiques, il faut se dresser avec fracas contre une position si peu ouverte et fustiger cette impardonnable prise de position face à un chef-d'oeuvre qui a marqué la fin du siècle dernier. Car oui, je le clame haut et fort : les Boredoms ne sont pas un groupe surestimé, et sont pour moi les dignes successeurs de Captain Beefheart et Pere Ubu, nouveaux détenteurs du savoir no wave,  chambellans issus des cendres d'une chimère bicéphale qui rugit avec les incandescents US Maple la force d'un genre atypique.
Que peut bien donner une telle super-affiche ?
Non, ce n'est pas emprunt de traditionnel comme du Keiji haino, mais c'est tout aussi inspiré. Non, ce n'est pas non plus aussi terrible que le harsh noise de Merzbow, mais ça en a les qualités. C'est à la fois Melt Banana et Butter 08, Ground Zero et compagnie. C'est tout à la fois, puisque ce sont des icônes de l'underground new japan (in a dishpan) qui échappent aux carcans habituels.
Ce que ça veut dire en super-clair ?


Ecouter cette super-production, c'est surtout faire face à un joyeux imbroglio musical aux variations sinusoïdales, dans un espace pétaradant de bruits et de grooves. La schizophrénie faisant loi, on célèbre des apparentes coupures du réel par un festival d'un goût excellent, celui qui taille en friches la musique, base de création d'un ensemble improbable dont la cohérence réside dans l'universalité du message ainsi formé. Prolifique, cette décoction donne naissance à la pureté dans un brouillon de saveurs jubilatoires.
Ecouter ces super-héros, c'est adopter une vision intelligente d'un art qui reste capable malgré son extrêmisme de charmer une Euterpe contemporaine. Les années 90 ont été celles de la fusion des styles, marquant l'avènement des musiques nouvelles de plus en plus libérées, celles qui lancent une campagne pour l'impact dissonant comme nouvel Empereur de la Musique. Sans garde-fou. Au beau milieu de ce paysage résolument moderne existe Super æ comme pièce maîtresse de l'édifice, charpentée de son formidable mélange de genres. Passant d'un bruit monosonique à un patchwork musico-chromatique exceptionnel, variant les teintes et les timbres, oscillant entre thèmes électro et plans rock désincarnés, voilà bel et bien une musique qu'on qualifiera de changeante.

Tantôt hypnotique, matériaux fait de boucles sonores au dosage infinitésimal, ce réglage au micropoil de notre sensation de balancement frénétique afin de ne pas desservir la sensation ; tambouille magique appuyée par des rythmiques tribales, une sorte d'ethno-rock chamanique aux tons clair-obscur. Tantôt hérissée, hirsute et imprévisible ; cacophonique, relevant de l'exquis syndrome dada retrouvé avec bonheur, parmi ces hurlements, ces bruits et dissonances complices.
Ainsi, notre coeur balance entre une introduction calme au synthétiseur et un jam aux sons funky, le tout miraculeusement émergé d'une transition psychédélique ; parfois il s'étonne de cette guitare acoustique semblant surgir de nulle part, accompagnée de voix aussi inattendues que le big bang électrique qui suit et le fait sursauter ; enfin il se délecte des tendances jazzy que résorberont certains instants, frétille à l'écoute des parodies folles plutôt du genre country, tout comme de tous ces bruits inouïs dont seuls Yoshimi & Co ont le super-secret. Une musique syncopée et artérielle : oxymore, quand tu nous tiens.

Les Boredoms démontrent donc avec Super æ leur ultime savoir-faire dans la mise à nu de l'ensemble des genres, faisant passer le complexe pour du simple et inversement, dans une découverte d'un appétit véritablement charnel d'un corps asbtrait. On ne sait pas s'ils déshabillent délicatement la musique ou s'ils dynamitent ses concepts en sa moëlle mélodique. Ce qui reste sûr à l'écoute d'un tel masterpiece, c'est que ces super-fadas auront su tout détruire pour mieux reconstruire.

Résolument destiné aux adorateurs de musique nouvelle plus qu'aux simples amateurs de l'underground japonais, ce monument du genre mérite les honneurs. Souvent comparé au mythique Vision Creation Newsun, il rappelle le dilemme des albums siamois de Beefheart (voir la chronique du 22 janvier). A chacun de les départager comme il peut !

... Eh oui, un ovni de plus dans ma collection de chroniques, à ce train-là vous allez vite en avoir marre !

« C'est super, putain, c'est super ! »

Note générale : 30/20

*** Si vous aimez, essayez... ***

Boredoms - Vision Creation Newsun
Rovo - Imago
OOIOO - Taiga

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