Keiji Haino - "C'est Parfait"
Décidemment je suis incorrigible. Jetez-moi des pierres, je vais encore parler de cette icône de l'underground. Je viens de découvrir encore une partie de sa discographie, et il y a tant de choses à en dire - et si peu d'interlocuteurs - qu'il n'est pas aisé de laisser ces mots dans ma tête sans qu'il n'en ressortent quelques uns malgré moi. Cette fois je me penche sur un album unique de Haino, une expérience comme nulle autre, au titre français plus qu'explicite (...pour une fois, ahah). Il ne s'agit certainement pas de la dernière chronique sur Keiji Haino, j'en suis désolé. Ou pas. Ca fera plaisir au canadien qui est venu y a pas longtemps juste pour lui !
Sorti en 2003, cet album au nom à rallonge bien que généralement tronqué (C'est Parfait, Endoctriné tu Tombes la Tête la Première n'Essayant Pas de Comprendre Quelque Chose Si tu te Prépares à la Décision d'Accepter de Tout Comprendre en Toi-Même Cela se Résoudra) n'a pas son pareil, même au sein de la discographie de Keiji Haino. Seule la construction de l'album permet d'établir un lien direct avec l'artiste, soit une piste de 44 minutes de concert live (enregistrée le 31 mars 2002 à Tokyo) avec de longs passages vocaux.
Tout est pourtant différent. C'est Parfait noue officiellement le lien entre l'artiste et le turntablism d'une façon complètement inédite : l'enregistrement se perd entre des samples de cris stridents, de hurlements sombres et de nombreuses pistes rythmiques pour un résultat sans pair. En effet, contrairement à son faiblard album solo de batterie et percussions, Haino se lance définitivement corps et âme dans un travail autrement plus complexe, riche et détaillé.
Les timbres de voix se mélangent, les percussions se mêlent, leurs timbres profonds s'échappent et finissent par se croiser pour finir dans un maelström assourdissant ; un passage calme à la demi-heure d'écoute, puis l'enregistrement gagne en puissance après un long passage vocal, Haino balayant tous ses samples dans une tornade furieuse de sons étranges, perdus entre rototoms, cowbells, cliquetis de cymbales et voix multiples.
La singularité tient en quelques mots : Haino établit presque un nouveau style musical, à mi-chemin du DJ no wave et du vocaliste expérimental, fondé sur de sourds plans rythmiques aiguisés par de nombreuses digressions et roulements métalliques. Difficile d'exprimer, de définir ce qu'il se passe en trois quarts d'heure ; on retiendra simplement la sensation d'être passé dans un lavomatic pour instruments à percussions, et c'est la tête à l'envers et le cerveau plein de sonorités nouvelles qu'on en ressort, vidé et songeur.
C'est Parfait fait donc partie de ces expériences inoubliables, forgées sur on-ne-sait-quoi, un éclair de génie ; instants rares, précieux, recherchés et appréciés des amateurs (d'autant plus que celui-ci n'est pas sorti sur PSF mais sur l'obscur label Turtle Dreams, à tirage limité, pour le plus grand plaisir des record geeks de mon espèce), lesquels s'accordent à consacrer cet album comme le plus singulier de tous.
Cet album ne peut faire l'unanimité. Il est pourtant doué d'un très grand intérêt en plus d'une production excellente, et en cela mérite l'excellente note qui lui est attribuée, que les grands aventuriers mélomanes corroboreront sans aucun souci.
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Note générale : 19/20
*** Si vous aimez, essayez... ***
Keiji Haino - Uchu Ni Karami Tsuite Iru Waga Itami