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Chroniques en Vrac
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  • Pour partager mes préférences musicales sous forme de chroniques semi-hebdomadaires, de coups de coeur en coups de gueule ; un intérêt certes limité, mais qui pourrait peut-être se révéler utile, à vous comme à moi.
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Chroniques en Vrac
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10 juin 2007

Geinoh Yamashirogumi - Akira Symphonic Suite [OST]

akira01Je ne regarde pas suffisamment de films, du moins pas autant que je ne le voudrais. Chacun d'eux est une sorte d'expérience (cf. "Suck My Geek") et j'adore les grands moments de cinéma qui vous transportent loin de votre banquette / fauteuil / canapé (biffer les mentions inutiles). Je dois avouer que j'ai toujours apprécié les longs-métrages anime japonais tout autant que le cinéma d'auteur, mettant au même niveau Miyazaki et Kurosawa pour des sommets du septième art comme Les Sept Samouraïs ou Le Voyage de Chihiro. Pour autant je ne voue pas une passion sans limite aux mangas et anime ; j'aime le graphique et l'esprit de ce genre à part, cependant pas assez pour me lancer dans la lecture passionnée d'une cinquantaine de tomes de One Piece ou la collection complète des Dragon Ball. La seule série sur laquelle je pourrais jeter mon dévolu serait certainement le manga d'Akira, tant son univers post-apocalyptique semble démesurément complexe et abouti. Le film de 1988 n'est que la partie émergé de l'iceberg, pourtant, il s'agit bien d'un chef-d'oeuvre hors-normes : un scénario époustouflant, de grands thème épiques, du drame puissant au message à faire flancher la fatalité du destin. Culte et complet : si Katsuhiro Otomo réussit à merveille la mise à l'écran de ses bandes dessinées, Shoji Yamashiro est à l'origine d'une bande son dirigée par le génial collectif Geinoh Yamashirogumi qui ont su relever le défi d'atteindre le même niveau que celui étalonné par l'image.

Il existe de nombreuses éditions de cet OST, les pochettes pouvant représenter soit l'une des affiches de l'anime soit un symbole épuré rappelant davantage le manga (en savoir plus). L'ordre des thèmes peut légèrement varier selon la date de sortie, mais globalement les rééditions proposent le même schéma logique de structure de la symphonie pour Akira.
L'enregistrement se divise en une dizaine de morceaux correspondant au déroulement chronologique de l'intrigue. Certains ont déjà fait la remarque que dépenser de l'argent pour une BO alors qu'on possède déjà le film ne servait strictement à rien, allant même jusqu'à préciser qu'écouter la musique sans l'image était absolument inutile. Une prise de position que j'abhorre forcément : certes, quand l'audio rencontre le visuel l'oeuvre est complète, mais on peut mieux savourer leur qualité respective si l'on dissocie l'un de l'autre. On disingue alors des choses imperceptibles à l'écran puisque le scénario nous emporte littéralement, une confusion dont on ne retient que les grands instants de musique durant lesquels on s'paerçoit que Akira n'a été bâclé sous aucun angle.
Parmi ces thèmes connus, il y a forcément celui de Kaneda. Ce thème introductif est le symbole même du film. Une présentation parfaite du héros sur variations de marimbas, claviers à percussions à résonance tribale qui donnent à Néo-Tokyo son côté sauvage et apocalyptique. La suite symphonique est d'ailleurs traversée par de nombreuses voix de marimbas et percussions diverses : glockenspiel, grosse caisse ou batterie électronique sont légion dans l'écriture de Yamashiro. L'ensemble est régulièrement emmené par de solides structures rythmiques qui hissent la mélodie vers des sensations plus violentes et extatiques ; on se situe bien loin de Ionisation de Varèse, ici les percussions ne peuvent se suffire à elles-mêmes puisqu'elles ne font que varier sur des thèmes analogues, plans resservis à volonté pour faire transparaître Kaneda dans Tetsuo par exemple (pratique usuelle pour toute bande originale, d'ailleurs).
Bien que les boucles percussives permettent de ne pas trop sentir les sonorités typiques des 80s et malgré une interprétation très fine, le résultat peut s'avérer parfois un peu lisse, sans profondeur. La batterie fait mentir de tels propos par de puissantes frappes électroniques, comme si l'ensemble de musiciens recherchait l'innovation de la musique traditionnelle dans l'intemporalité de la composition ; ce point ne devrait donc pas suffire à rebuter l'auditeur pour autant, le son gagnant de toute façon en clarté.
Battle Against Clown est un parfait exemple structurel de l'ensemble de cette Symphonic Suite ; il reprend le thème du héros tout en faisant penser à l'écriture zappaïenne - avec ses roulements de rototoms in medias res. Des nappes éthérées sont déposées sur ce tapis de percussions tribales comme si le ciel devait bientôt rencontrer la terre.
La force de l'oeuvre ne repose pas uniquement sur la reprise de thèmes forts mais réside aussi dans des passages plus ambiants (Wings Over Neo-Tokyo) qui peuvent sortir de l'ordinaire par des apparitions de choeurs (Tetsuo), jeux de voix en canon (Mutation) ou en écho (Doll's Symphony) et autres rites incantatoires japonais (Shohmyoh). La courte piste Exodus From The Underground Fortress paraît d'ailleurs moins accomplie malgré sa dynamique plus rock, pourtant il n'en est rien. Son tempo complexe lui donne un certain intérêt qui ravira les fans de FZ tout en boostant un peu l'écoute avant celle des deux mastodontes finaux.

Car ce que l'on garde à l'esprit après l'écoute de cette bande originale, ce sont surtout ces longs morceaux avoisinant la quinzaine de minutes de musique atypique.
Si Shohmyoh nous invite à une grande cérémonie, Illusion fait plus figure d'allégorie sublimée d'une rencontre avec un bonze, par sa composition aux excellents arrangements symphoniques. Entrevue troublée à la cinquième minute par une flûte agressive qui agite l'ecclésiastique dans sa méditation, avant qu'il ne rentre à nouveau en prière pour terminer sa quête dans une transe folle, presque affolée.
Faut-il prier pour son salut ? L'ultime morceau Requiem accorde tout le monde en nous mettant tous à genoux. Son introduction lourde, la litanie des choeurs qui précède le clavecin avant l'orgue frénétique, suivi d'une procession incrédule scandant un air de fin des temps ; requiem pour Néo-Tokyo qui s'éteint peu à peu, bercé par des voix évanescentes et l'ultime vrombissement de grosse caisse, dernier battement de coeur avant le néant.
Mais finalement, le thème que l'on retient est à coup sûr Tetsuo, au jeu syncopé de glock et vibra, bondissant et mystérieux, épique avec cet orgue impérial, tribal avec cette batterie, et monumental dès l'apparition des voix dont l'éclatement donne toute sa puissance à la composition, au thème, à l'oeuvre voire au film tout entier. Une apogée à vous donner des frissons.

On entend souvent dire que le manga et la bande dessinée en général ne font pas réellement partie de ce qu'on appelle "l'espace culturel". Rien n'est plus faux : non seulement il s'agit bel et bien d'un art culturel, mais aussi d'art représentatif d'une culture ; un genre qui a en outre l'avantage d'avoir la possibilité d'être porté sur d'autres supports, qu'ils soient filmiques ou musicaux. La bande originale d'Akira représente l'un de ces chefs-d'oeuvre les plus aboutis, une symphonie populaire au fort potentiel progressif, OST bardée de thèmes mythiques d'un film culte résolument avant-gardiste.

Note générale : 17/20

*** Si vous aimez, essayez... ***

Katsuhiro Otomo - Akira

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Commentaires
V
Je découvre tout juste ton blog et cet article en particuliers avec beaucoup d'intérêt, joie mais aussi un peu de tristesse de le faire seulement maintenant, 4 ans après sa publication. Je rejoins les autres quant à la finesse de ton analyse de la BO d'Akira et notamment du morceau Kaneda, qui plante effectivement très bien le décors sonore du film et permet d'avoir une perception riche et sensorielle de Néo-Tokyo au-delà des seules images.<br /> <br /> Je suis preneuse de tout autre analyse ou documentation sur le sujet
B
@Doggfather : ahlala le jour où tu sauras de quoi tu parles à propos du Japon ce sera beau arf ; t'oublies surtout Digimon et Power Stone.<br /> <br /> @Méli : c'es noté, enregistré et visité, merci d'être passée<br /> <br /> @Nuttyone : le glock c'est juste un vibraphone très aigu (vibraphone: xylophone avec résonance), mais sinon c'est vrai que c'est un régal pour ceux qui aiment les percussions !<br /> <br /> @dom's : merci du commentaire, ça fait "bigrement" plaisir tu peux me croire. concernant le sourire en coin, ça dépend un peu de la chronique mais c'est bien vrai que j'ai tendance à vouloir "trop" bien écrire... :)
D
bon Cher Bzl, j'ai (enfin !) lu ta "bafouille" hier soir. Dense, très documentée, passionnée et surtout toujours très bien écrite et ça c'est un vrai plaisir (mais quand même toujours un poil trop sérieusement exprimée, c'est à dire qu'on cherche parfois le petit sourire en coin un peu complice et aussi peut-être un peu longue ce qui en réduit l'impact...).<br /> Mais bon, bien sur qu'elle donne envie d'écouter un sample ou même plutôt d'acheter l'album car peut-être bien qu'un sample ne serait pas suffisant...<br /> Donc tu es un vrai "agent" persuasif concernant ce type de musique et celle-là en particulier<br /> <br /> Joli billet n'empèche et merci<br /> <br /> :-)
N
Wow! Il faut s'y connaître en percussions pour apprécier toutes les subtilités de cette BO!<br /> "glockenspiel", je note parce que je ne connaissais pas... 0.o
M
HellooOoooOo,<br /> Suite à de fortes pressions diplomatiques d'une certaine personne n'excédant pas les 1,50m ... ah non pardon, 52 (j'ai le couteau sous la gorge), je viens de me créer un piti blog. Il sera mis à jour trèèèèès prochainement vu mon déménagement imminent outre-Manche.<br /> Libre à toi d'y passer de temps en temps. Je t'ai mis en lien pour les ignares qui ne l'auraient pas encore.<br /> <br /> des bisOus ...<br /> meli.
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