NWA – Straight Outta Compton
Dans le
monde particulier des fins connaisseurs de rock, pays dans lequel se croisent
fans de musique indie, détraqués du noise, headbangers du métal et frapadingues
du freeform, il est difficile de ne pas tomber dans la vision unique acclamée
d’un genre méconnu. Le hip hop souffre là bas d’une discrimination notable,
puisqu’on l’interdit de sortir du berceau New-yorkais ; la Big Apple
y est vue comme génitrice du bon hip hop, le roots, le crade, l'avant-garde. Le son East Coast,
Public Enemy, c’est super, c’est comme Sonic Youth pour le rock les gars. Par contre, la
West Coast ça pue, c’est du rap à bitch et on leur chie dessus à ces
connards. Des œillères, une sorte de cartilage créé à partir de l’univers
enivrant des chroniques branchées sur Internet, qui empêche de chercher plus
loin que le bout de son nez, quitte à passer à côté de grands groupes qui
avaient déjà à leur époque, et de l’autre côté du pays des KFC,
participé à la création d’un style provocateur.
NWA,
composé notamment de Dr Dre, Ice Cube et Eazy-e n'est pas un groupe de hip hop
à prendre à la légère. Et Straight Outta Compton n'en est pas un album
moins lourd.
Historiquement, nous sommes à la fin des années 80. La musique noire des 70s
(funk, soul) n'est pas vraiment ce que la jeunesse afro-américaine recherche
musicalement. A l'instar du rock chez les WASP, on cherche un genre nouveau. Et
Straight Outta Compton, c'est un peu le point de départ du Gangsta Rap,
le déclic de 1988 qui va lancer une formidable machine aux Etats-Unis, qui amorcera des
carrières brillantes de MC et de rappeurs, sous des labels comme le
mythique et évocateur Death Row. Peut-être plus confidentiel au départ que le rap East Coast,
les grands noms de ce groupe vont se faire connaître à partir de leurs flows
de génie contenus dans des titres comme notamment Express Yourself. On
attribue généralement la primeur du hip hop revendicatif, celui qui n’a pas
froid aux yeux, au premier album de Public Enemy. Pourtant, le premier opus de
NWA est en avance sur celui-ci, et n’hésite pas à dire FUCK ou BITCH.
Voire les deux.
Techniquement, bien sûr c'est vraiment du old school, i.e. des samples de
sirène, des accords de synthé qui font hocher de la tête en rythme et un beat
tout ce qu’il y a de plus boite à rythmes. Pour ceux qui sont plus habitués à Doggystyle
de Snoop ou au Chronic de Dr Dre, le chemin est donc assez ardu pour « régresser »
à ce niveau, car le son est crade, manque de moyens oblige. Justement, le voilà
le charme. Peu de tables de mixage, mais des morceaux d'anthologie : Straight
Outta Compton, F--- Tha Police, Gangsta Gangsta et bien sûr
la légendaire reprise de Charles Wright, Express Yourself. Cet album fait facilement tomber l’auditeur
dans un trip halluciné de dealer, un nigger poursuivi par la flicaille
de L.A. qui l’a choppé en train de courtiser une bitch.
Yo man... There's a lot of brothers out there
flakin' and perpetratin
But scared to kick reality.
Man you've been doing all this dope producing.
You had a chance to show 'em what time it is...
So what you want
me to do?
Express Yourself...
Les premières heures du hip hop, même si reniées au final par Dre, restent
quelque chose d'absolument indispensable pour tout amateur du genre qui se
respecte.
Un must.
Note générale : 19/20
*** Si vous aimez, essayez... ***
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