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Chroniques en Vrac
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  • Pour partager mes préférences musicales sous forme de chroniques semi-hebdomadaires, de coups de coeur en coups de gueule ; un intérêt certes limité, mais qui pourrait peut-être se révéler utile, à vous comme à moi.
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Chroniques en Vrac
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25 mai 2007

Fushitsusha - 1991.9.26 19h15 ~ 20h08 [DVD]

Une nouvelle section pour ce blog, cela devait être fait depuis belle lurette avec le Baby Snakes de Zappa quelque part entre août et octobre 2006 ; j'aurai attendu finalement bien longtemps avant de me décider à chroniquer les DVD musicaux, mais là l'envie me prend, et on comprend facilement pourquoi. L'occasion est trop belle pour parler d'un groupe que je commence à adorer. Ce groupe ? Fushitsusha !

fushidvdUn des grands problèmes avec les DVD de groupes officieux, c'est que l'on peut s'attendre au pire bien qu'un produit soit du domaine de l'officiel. En antithèse du mainstream et donc de l'industrie de l'image, ce sont les enregistrements qui sont mis en avant. Pas étonnant donc de considérer comme une rareté la moindre vidéo retraçant la jeunesse de tels groupes. Pensez au Salad of Thousand Delights des Melvins, ce regroupement improbable de vidéos amateurs époque grunge, aux ados dans toute leur splendeur de cheveux longs et gras. Pour l'anecdote (donc pour les geeks), sachez qu'il s'y cache une de ces "raretés" de 1984 dans laquelle on peut voir le groupe en répétition : Dale Crover en sorte de Ringo Star au style teenager assumé ; un bassiste qui explique peut-être à lui tout seul l'aversion de Buzzo pour cette partie de section rythmique ; et bien sûr le leader lui-même paraissant encore vierge de tout méfait de l'orge, la touffe pas encore trop proéminente. Seulement voilà, outre le côté amusant de la chose, ce qui est vraiment regrettable c'est que les live materials issus de l'underground sont le plus souvent de qualité médiocre, un genre de témoignage pondu par un vidéaste amateur faisant acte de gardien de bandes secrètes ultra précieuses garantissant la survie du mythe, la postérité. Dès lors, il est bien évident qu'un groupe comme Fushitsusha n'échappe pas à la règle... et fasse plus encore.

Le label PSF nous promet une prestation en concert du combo nippon capturée de façon UNIQUE par des professionnels, et là on comprend vite pourquoi c'est cet adjectif qui a été employé : malgré un bon cadrage stable (centré sur les prouesses de Keiji Haino), le grain de l'image en lui-même possède une qualité UNIQUE en son genre pour du matos de pro. L'image est terne, vitreuse. C'est à se demander si en 1991 les bootleggers japonais fonctionnaient encore avec les mêmes moyens que ceux utilisés en vingt ans avant à Osaka pour Led Zeppelin, sauvés à l'arraché des haches de Peter Grant, reliques miraculées, transmises de génération en génération afin de conserver la tradition intacte, sous la bénédiction des dieux. Blague à part, ce fut malgré tout une petite déception des premiers instants.

Petite déception, car enfin le principal mes amis, c'est bien la musique. Et rien de plus captivant que de voir Fushitsusha en pleine période de gloire nous offrir unefocalisation plutôt précise de ce qui devait ressembler aux concerts donnés voilà une quinzaine d'années. L'image demeure ininterrompue durant 53 minutes, des premiers instants du concert, qui tardent à projeter la lave en fusion jusqu'à l'impressionant final qui fait passer les Melvins pour un groupe pop léger comme un froufrou rose de Billy Gibbons. La noise est à son paroxysme, Haino semble être en transe, il ne fait qu'un avec sa guitare, semble la caresser puis la déchiqueter avant de la laisser glisser entre ses doigts, son esprit libéré d'un corps tortureux en nuances de noir, comme un électron libre s'agitant entre deux pôles rythmiques au jeu lourd et sombre à souhait.
Le plaisir efface peu à peu le mauvais grain de l'image, un sourire se dessine, ce concert est bel et bien monstrueux, encore une fois trop hermétique au premier abord, mais qui mérite le détour et la patience d'un auditeur assidu. Le ressenti est Roi, la vue est Reine, le Pape de la japanoise éructant des textes que l'on aimerait pouvoir comprendre dans une déferlante de bruit stylisé ; car tout est une question de "forme", de genre, de façonnage de bruit. Cette détermination se sent, poussée par une vocation sincère à laquelle le héraut s'est entièrement dévoué, plus ravageur qu'un tsunami. De quoi attiser les convoitises... on se situe bien loin de cet "artiste" français Jeans-Louis Coste, chantre du grand n'importe quoi sauce indus, rassemblant la hype parisienne sous un flambeau de harsh noise dada qui frise le ridicule (il explique d'ailleurs lui-même qu'il fait n'importe quoi sans trop savoir pourquoi, sans ambition). Il brandit son incompréhension tout en clamant son ignorance. Si son effort peut être salué, le mien s'arrête à ce seul geste, considérant cette guimauve insipide comme une vaguelette bien loin d'être une musique intelligente, bien en dessous des modèles auxquels elle se rattache (Frank Zappa inside).
Vous l'aurez compris, pas de laxisme conceptuel dans cette vidéo. Un zèle qui atteint l'extrême idéal de noirceur bruitiste jusqu'à en être réduit à de simples titres écrits blancs sur noir, sans autre indication ; les caractères ne s'adressant qu'à un public de connaisseurs de l'archipel oriental, alors que la plupart de ses admirateurs sont en fait des occidentaux. Ceux-ci n'auront pas de mal à faire quelques parallèles : toute cette iconographie brillante par son absence renvoie aux travaux solos de Haino. A la différence près que Fushitsusha se lance dans un déchaînement électrique rarement atteint par tant de fureur. Un témoignage visuel sortant de l'ordinaire, rare puisqu'il n'existe que très peu d'archives de ce type ; il y a bien une autre vidéocassette (évidemment éditée sur le label PSF), plus difficile à dénicher, un solo du maître, jonglant entre guitares et percussions. Preuve d'un musicien complet, entier. Son amour de l'instrument ne peut être mis en doute : il est nécessaire de maîtriser pour savoir COMMENT destructurer les formes, réussir à faire sonner différemment son outil d'expression.

Faisant parfois penser à du Knead ou à du Mainliner, le DVD de Fushitsusha, clinquant de sobriété, est une invitation au différent qui sait ce qu'il fait, qui sait ce qu'il est.
Indispensable et bouleversant.

Note générale : 16/20

*** Si vous aimez, essayez... ***

Keiji Haino - Percussion Solo [VHS]

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